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15.02.2024

L’administrateur indépendant est-il soumis à la TVA ou pas ?



L’administrateur indépendant est-il soumis à la TVA ou pas ?

L’administrateur indépendant qui peut avoir plusieurs mandats d’administrateurs dans des sociétés différentes est-il soumis à la TVA lorsqu’il facture les différentes sociétés dans lesquelles il exerce un mandat d’administrateur ?

Il existe une circulaire n°781 du 30 septembre 2016 de l’administration de l’enregistrement et des domaines (AED) qui précise que l’activité réalisée par un administrateur est une activité économique au sens de la TVA. Cette interprétation de l’administration a pour conséquence que les prestations des administrateurs ou gérants sont soumises à TVA au taux de 17 %.

Il en allait ainsi jusqu’à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 décembre 2023.

Cette affaire concerne le cas d’un avocat qui avait des mandats d’administrateurs dans plusieurs sociétés anonymes de droit luxembourgeois et qui exerçait plusieurs missions dans ce cadre. En qualité d’administrateur il percevait des tantièmes.

Etant en désaccord avec l’AED l’affaire a été portée devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg qui a posé deux questions préjudicielles à la CJUE :

Question 1 : « une personne physique, membre d’un conseil d’administration d’une société anonyme de droit luxembourgeois, exerce-t-elle une activité économique au sens de la directive TVA, et plus précisément est-ce que les tantièmes perçus sont à considérer comme une rétribution obtenue en contrepartie des services fournis à cette société ? »

Question 2 : « une personne physique, membre d’un conseil d’administration d’une société anonyme de droit luxembourgeois, exerce-t-elle son activité de « façon indépendante » au sens de la directive TVA ? »

Réponse à la question 1 :

Un administrateur d’une société anonyme de droit luxembourgeois exerce une activité économique, au sens de la directive, s’il fournit à titre onéreux une prestation de services à cette société ainsi que si cette activité présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération dont les modalités de fixation sont prévisibles.

Les administrateurs exercent donc une activité économique au sens de la directive TVA.

Réponse à la question 2 :

Pour répondre à cette question, la CJUE a examiné s’il existe un lien de subordination dans l’exercice de l’activité d’administrateur : la CJUE a apprécié l’existence du lien de subordination en contrôlant si la personne concernée accomplit ses activités en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité ainsi que si elle supporte le risque économique lié à l’exercice de ces activités.

L’administrateur agit-il en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité ?

D’après l’arrêt du 13 juin 2019, C-240/18 : il existe un lien de subordination dans l’exercice de cette activité.

La CJUE apprécie l’existence du lien de subordination en contrôlant si la personne concernée accomplit ses activités en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, ainsi que si elle supporte le risque économique lié à l’exercice de ces activités.

L’administrateur agit-il en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité ?

D’après un arrêt du 29 septembre 2015, C-276/14 : l’administrateur ne reçoit pas sa rémunération pour sa propre activité mais en tant que partie d’un organe collectif. Ce n’est donc pas lui le responsable mais l’organe dont il fait partie.

L’article 441-8 de la loi du 10 août 1915 dispose que les administrateurs n’assument pas d’obligations personnelles en ce qui concerne les dettes de la société.

La responsabilité délictuelle qui peut toucher un administrateur n’est pas déterminante à cet égard puisque cette responsabilité peut incomber à toute personne.

La responsabilité d’un administrateur pour les dettes d’impôt de la société ne change rien non plus puisqu’une telle responsabilité est liée à l’organe et vise de la même manière les administrateurs et les directeurs salariés.

Il en résulte que l’administrateur n’agit pas en son propre nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité.

L’administrateur supporte-t-il le risque économique lié à son activité ?

Le risque économique visé se rapporte toujours au risque économique encouru directement par la personne dont le caractère indépendant de l’acticité économique doit être apprécié (ici l’administrateur). Or, lorsqu’un administrateur apporte son expertise et prend part aux votes du conseil d’administration, c’est la société elle-même qui devra tout de même faire face aux conséquences négatives des décisions adoptées.

C’est donc la société qui supporte le risque économique découlant de l’activité des membres du conseil d’administration.

Cette conclusion s’impose à fortiori lorsque certains éléments sont présents : la rémunération perçue par l’administrateur sous forme de tantième dépend des bénéfices réalisés par la société, tantièmes versés de manière forfaitaire même si la société subit des pertes ou est en liquidation judiciaire, etc…

Il en résulte que l’administrateur ne supporte pas le risque économique lié à son activité.

En conclusion :

« L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que : l’activité de membre du conseil d’administration d’une société anonyme de droit luxembourgeois n’est pas exercée d’une façon indépendante, au sens de cette disposition, lorsque, malgré le fait que ce membre organise librement les modalités d’exécution de son travail, perçoit lui-même les émoluments constituant ses revenus, agit en son nom propre et n’est pas soumis à un lien de subordination hiérarchique, il n’agit pas pour son compte ni sous sa propre responsabilité et ne supporte pas le risque économique lié à son activité. »

Conséquences :

L’AED a suspendu avec effet immédiat les effets de la circulaire n°781 du 30 septembre 2016. L’administration veillera à une régularisation de la TVA jusqu’au délai de prescription.

La responsabilité repose sur les assujettis. Les administrateurs devraient émettre des factures rectificatives aux sociétés assujetties preneuses de leurs services d’administrateurs. Ils doivent également justifier à l’égard de l’AED d’un droit à restitution de la TVA indûment perçue.

Concernant la prescription en matière de TVA, la régularisation pourra avoir lieu jusqu’à la TVA indûment perçue en 2018.

Pour l’instant certaines questions restent encore sans réponse, notamment en ce qui concerne la TVA déduite depuis 2018 par les administrateurs ou la TVA déduite par les sociétés. Il en va de même si l’administrateur était étranger et que la TVA a été auto-liquidée par les sociétés, dans ce cas on ignore encore si les sociétés devront rembourser la TVA qu’elles ont déduites.